
La tension monte sur les chemins. J’ai vu des regards agacés, entendu des soupirs, senti l’incompréhension des deux côtés. En 2025, la fréquentation explose, les pratiques se diversifient… et les frictions aussi.
Je pratique les deux, randonnée et trail. Je cours en montée, je marche en crête, je m’arrête pour contempler — et je sais qu’on peut s’entendre. Voici mon analyse de ce qui coince, et surtout un plan de jeu clair, applicable dès ce week-end, pour apaiser la montagne.
Pourquoi ça frotte (vraiment)
- Deux cultures qui se heurtent
- Randonneurs: lenteur choisie, contemplation, pause photo, sécurité collective.
- Traileurs: fluidité, rythme, performance, entraînement structuré.
- Surfréquentation et sentiers étroits
- Plus de monde partout, surtout près des hauts lieux et en créneaux « Instagram » (10h–15h).
- Méconnaissance des codes
- La priorité à la montée est trop souvent ignorée.
- Groupes compacts qui bouchonnent (côté rando) ou « trains » de coureurs qui déboulent (côté trail).
- Perception d’« appropriation »
- Courses, rubalise, itinéraires temporairement fermés: certains randonneurs se sentent dépossédés.
- Balisage et entretien: beaucoup de bénévoles rando entretiennent les GR; des traileurs ne le savent pas.
- Nuisances ressenties
- Dépassements trop serrés, écouteurs à fond, chiens non tenus, bâtons mal gérés, déchets.
ℹ️ En 2024–2025, la FFRandonnée a publié un guide pour gérer les « sentiers en tension » et la FFAthlé pousse Uni’vert Trail pour structurer les parcours. Les signaux sont clairs: on doit mieux organiser le partage.
Les règles d’or à connaître (et appliquer)
- Priorité à la montée: celui/celle qui monte a priorité. Point.
- Qui cède à qui ? Règle simple et efficace:
- Descendant cède à montant.
- Coureur cède à marcheur (et sans chipoter).
- VTT cède à piéton (rando et trail).
- Rester sur le sentier balisé, ne pas couper les lacets (érosion x2).
- Bâtons: pointes vers le bas, serrés au corps en croisement.
- Chiens: en laisse dès qu’il y a du monde, zones pastorales et réserves.
- Écouteurs: volume bas et une oreille libre pour entendre/annoncer.
Le dépassement « 5 secondes sécurité » (mon protocole terrain)
Quand je dépasse (en courant ou en marchant rapide), j’applique toujours:
- J’annonce calmement à 10–15 m: « Bonjour, je passe à gauche dès que possible. »
- Je ralentis AVANT le groupe/l’épingles.
- Je choisis un endroit dégagé, stable, sans racine/éboulis.
- Je me range côté montagne si c’est plus sûr.
- Je remercie, je remets du rythme seulement 5–10 m après.
En montée, si on me laisse la trace, je passe court, léger, sans souffle dans la nuque. En descente, je n’impose jamais un dépassement: si ça n’est pas safe, j’attends.
Charte « Sentiers partagés » en 12 points
- Je dis bonjour. Toujours. La politesse apaise 80% des frictions.
- Je respecte la priorité à la montée.
- J’anticipe: j’annonce, je ralentis, je choisis un point sûr.
- Je gère mon volume sonore (voix, musique, groupes).
- Je range mes bâtons lors des croisements.
- Je tiens mon chien et je respecte les zones pastorales.
- Je ne coupe pas les virages; je reste sur le sentier.
- Je laisse passer plus rapide derrière moi dès que possible.
- Je ne bloque pas la trace en groupe: je me serre ou je me mets en file.
- Je respecte les interdictions/arrêtés temporaires (faune, érosion, travaux, chasse).
- Zéro déchet, y compris les gels/emballages microscopiques.
- Je contribue: une journée d’entretien/an ou un don aux structures locales.
📌 À retenir
Le respect de la montée + l’annonce du dépassement + un sourire = cohabitation apaisée 9 fois sur 10.
Randonneurs, traileurs: vos 5 erreurs à éviter
Côté rando
- S’étaler sur le sentier en discutant côte à côte.
- Stop photo en plein milieu de la trace.
- Bâtons tendus façon « barrières ».
- Laisser un chien en liberté près d’autres usagers ou du bétail.
- Ignorer les panneaux « quiétude faune » / « sentier dégradé ».
Côté trail
- Arriver en descente sans annoncer ni ralentir.
- Dépasser en aveugle dans une épingle.
- Courir casque aux deux oreilles, volume fort.
- Couper hors sentier pour gagner 5 secondes.
- Sortir en « train » de 8–10 coureurs compact sans se scinder.
Impact environnemental: objectiver et agir
- Erosion: les passages répétés, surtout en descente et hors-sentier, creusent les traces. Rester sur l’itinéraire balisé est LA mesure la plus efficace.
- Faune: aube/crépuscule = périodes sensibles; caler les runs de groupe en dehors de ces pics réduit le dérangement.
- Carbone: le déplacement vers l’aire de pratique pèse le plus lourd. Priorité au covoiturage, train + navettes, spots proches.
💡 Astuce
Utilisez Outdoorvision pour identifier les zones de surfréquentation et choisir des horaires alternatifs; signalez tout problème sur Suricate (balisage, conflit d’usages, dégradation).
Modèles qui fonctionnent (en France et ailleurs)
- Boucles « trailables » dédiées (partenariat club + collectivité + FFA) pour décharger les GR — l’idée derrière Uni’vert Trail.
- Signalétique claire « triangle des priorités » aux carrefours clés (montée prioritaire; VTT cède au piéton).
- Créneaux recommandés sur sentiers très étroits: rando 10h–15h, entraînements clubs tôt/soir.
- Sens unique temporaire sur cols/épingles saturés (week-ends d’août).
- Fenêtres de quiétude saisonnières (hiver/printemps) avec itinéraires alternatifs fléchés.
- « Débalisage propre » et charte éco-événement obligatoire pour les courses (cotations de flux, sas, gobelets perso, quotas).
Plan d’action 30 jours pour une station/commune
Semaine 1
- Réunion rando/club trail/office: cartographier points noirs et horaires de pics.
- Valider les priorités locales et zones sensibles.
Semaine 2
- Poser 10–15 panneaux « priorités + dépassement en 3 étapes » aux sections étroites.
- Publier une charte locale « Sentiers partagés » (format 1 page).
Semaine 3
- Ouvrir 2 boucles « trail » alternatives + 1 échappatoire à un goulet d’étranglement.
- Mettre en ligne les arrêtés temporaires et infos chasse sur un mini-site unique.
Semaine 4
- Lancer une « journée pelle & pioche » mixte (rando + trail) sur un sentier érodé.
- Activer un canal d’alerte unique: Suricate + email local (balisage, conflits, déchets).
📊 Tableau express: frictions et solutions
| Point de friction | Solution terrain immédiate |
|---|---|
| Dépassements dangereux | Annonce + ralentissement + zone dégagée |
| Groupes qui bouchonnent | File indienne + haltes sur élargissements |
| Descente rapide | Céder, surtout en épingle; priorité montée |
| Nuisance sonore | Volume bas; une oreille libre |
| Coupures de lacets | Rubans « no cut » temporaires + micro-passerelles |
| Perception « privatisation » | Calendrier partagé + débalisage J+1 obligatoire |
Outils utiles avant de partir
- Itinéraire: privilégier variantes moins exposées aux pics (traces locales, topo-guides).
- Applis utiles: info chasse locale, Outdoorvision (flux), Suricate (signalements).
- Check matos: bâtons gérés, sifflet dispo, frontale au crépuscule.
- Règle d’équipe: maximum 6 par sous-groupe, 50 m d’intervalle, points de regroupement définis.
Et si on s’engageait, chacun, à une action simple ?
- Coureurs: ralentir franchement en descente au croisement, annoncer systématiquement.
- Randonneurs: se mettre en file indienne et dégager la trace 3–4 pas dès qu’un dépassement est annoncé.
- Clubs/assos: coorganiser une journée d’entretien/an.
- Organisateurs: afficher la carte des fermetures temporaires et debaliser intégralement sous 24 h.
- Collectivités: 10 panneaux pédagogiques bien placés valent 100 posts sur les réseaux.
Je le vois chaque semaine: quand on applique ces gestes, le climat change instantanément. On garde la magie des paysages… et on se garde mutuellement. C’est ça, la montagne partagée.

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