
Je randonne et je cours en montagne toute l’année. Et ces derniers jours m’ont rappelé une évidence simple: nos risques évoluent avec les usages. Un skieur-randonneur retrouvé sous un câble de dameuse à Val Thorens (15 décembre 2025), des marcheurs filmés en train de traverser l’étang d’Appy gelé dans les Pyrénées (14 décembre 2025), un feu illégal qui ravage un sommet au mont Écho (octobre) et ferme un tronçon aimé… Trois signaux forts.
Je te propose une enquête très terrain: comprendre précisément ces nouveaux pièges, apprendre à les reconnaître en quelques secondes, et adopter les bons réflexes pour continuer à sortir, serein et efficace.
1) Les câbles de dameuse: la “guillotine” invisible
Je ne mâche pas mes mots: un câble de treuil tendu, c’est mortel. Les dameuses à treuil travaillent tôt, tard, souvent de nuit ou à l’aube, reliées à un ancrage par un câble qui peut serpenter des centaines de mètres, parfois partiellement enfoui et donc invisible. Dès qu’il se tend, il peut faucher tout ce qui se trouve sur sa trajectoire.
- Incident récent: Val Thorens (Savoie), 15/12/2025 — un randonneur à ski découvert sous un câble, indemne par miracle. Les services de pistes rappellent l’interdiction du ski de rando sur pistes fermées et les dangers accrus en début de saison.
Comment identifier rapidement le risque
- Pistes fermées et gyrophares en action = grooming en cours. En présence d’une dameuse, il peut y avoir un câble, même si tu ne le vois pas.
- Zones à forte pente, bosses, crêtes avec points d’ancrage (pylônes, rochers équipés, treuils) = probabilité élevée d’usage du treuil.
- Traces de câbles, piquets “treuil”, panneaux “piste fermée” = demi-tour immédiat.
Mes règles d’or (testées sans compromis)
- Je n’emprunte jamais une piste fermée, de nuit ou à l’aube, même pour “juste 10 minutes de D+”.
- Je respecte les créneaux officiels “montée rando” quand la station en propose, et uniquement sur l’itinéraire balisé.
- Si je vois ou entends une dameuse: je sors de la zone, je ne cherche pas à passer “vite fait”.
- En entraînement matinal: je choisis un itinéraire hors domaine skiable (et j’évalue le risque avalanche), ou je bascule en PPG/renfo ailleurs. La montagne sera encore là demain.
📌 Bon à savoir
- Beaucoup de stations en France interdisent explicitement la rando sur piste en horaires de damage via arrêtés municipaux. Au-delà de l’amende, tu mets en jeu ta vie… et celle du conducteur de dameuse.
- En cas de doute: appelle la station la veille pour connaître les horaires de damage et les itinéraires rando autorisés.
💡 Astuce d’expert
Pour l’entraînement en pré-saison sans prendre de risques: monte par sentier forestier identifié hors domaine, redescends par le même, et évite toute coupe à travers pistes. Frontale oui, mais c’est surtout le choix d’itinéraire qui te protège.
2) Glace fragile: lacs gelés, faux amis
La scène de l’étang d’Appy (Pyrénées) a fait le tour des réseaux: des marcheurs sur une glace récente, “belle” et noire… précisément la plus traîtresse. En montagne, l’épaisseur de glace varie à quelques mètres près (sources, arrivées d’eau, zones ventées). L’illusion de solidité est maximale quand le danger l’est aussi.
- Rappel physiologique: chute à travers la glace = choc thermique en 60–90 secondes, puis hypothermie rapide. L’auto-sauvetage devient difficile si tu es seul, fatigué, engourdi.
Ma ligne personnelle (et celle que je recommande)
- En montagne: je n’avance pas sur la glace. Point. Les “règles d’épaisseur” (10–12 cm) qu’on voit circuler peuvent valoir sur des lacs contrôlés en plaine, pas sur des étendues d’altitude aux flux imprévisibles.
Signaux d’alerte express
- Glace noire récente, zones blanchâtres ou laiteuses, fissures rayonnantes, bruit “chantant”, proximité d’un ruisseau entrant/sortant, bordures minces: tu restes à terre.
- Neige fraîche sur glace: elle isole, cache les faiblesses et ajoute du poids. Doublement piégeux.
✅ Si malgré tout tu te retrouves face à un passage gelé
- Contourne. Même si ça rallonge de 30 minutes, c’est le meilleur “chrono” de ta journée.
- Fais demi-tour si la rive est impraticable: pas d’égo en montagne, seulement des décisions.
🧰 Sécurité et auto-sauvetage (à connaître, même si tu n’y vas pas)
- Si ça casse: garde la tête hors de l’eau, contrôle la respiration. Débuckle ceinture ventrale et sangle pectorale, ton sac peut flotter.
- Reviens par où tu es entré (glace plus solide), allonge-toi, palmage vigoureux, tire avec des pics à glace si tu en as.
- Une fois sorti: roule pour t’éloigner, enfile une couche sèche (stockée en sac étanche), bois chaud, marche pour te réchauffer, alerte secours (112) si hypothermie ou doute.
📦 Kit minimal hiver dans mon sac
- Vêtements secs en sac étanche (haut + bonnet + gants), couverture de survie, frontale, téléphone chargé, barre énergétique “d’urgence”, mini-réchaud si bivouac autorisé, sifflet.
3) Feux de camp illégaux: l’étincelle qui ferme les sentiers
Un feu allumé “pour l’ambiance” au sommet du mont Écho (Qc) a suffi à endommager le site, mobiliser hélico et équipes, et fermer un tronçon aimé. En France, l’ordre de grandeur parle de lui-même: 3 000 à 4 500 feux de forêt par an, 10 000 à 17 000 ha brûlés en moyenne sur 15 ans; 2022 a dépassé 60 000 ha. Environ 90 % des feux sont d’origine humaine (mégots, barbecues, feux de camp…).
Conséquences concrètes que je vois de plus en plus:
- Perte d’accès (propriétaires échaudés), patrouilles renforcées, caméras, et segments fermés plus longtemps. Les bons se retrouvent pénalisés par les imprudences des autres.
Règle simple et responsable
- Pas de feu en milieu naturel, sauf zone explicitement autorisée et conditions météo favorables. En période sèche ou ventée: interdit et dangereux.
- Toujours vérifier l’arrêté préfectoral, les règles du parc ou de la commune. En infraction: amendes salées, et ta responsabilité si départ de feu.
🔥 Alternatives qui marchent
- Le confort vient des couches: doudoune, polaire sèche, surpantalon coupe-vent, thermos de boisson chaude.
- Cuisine: réchaud à gaz sur support minéral dégagé, loin de toute végétation, pare-vent contrôlé (si et seulement si autorisé). En cas d’interdiction: pas de flamme du tout.
📌 À retenir
- Un sol de sommet est souvent sec, battu par le vent, loin de l’eau: un “petit feu” devient grand très vite. Et éteindre “avec de la neige” ne suffit pas; la braise couve et ronge la tourbe.
Feuille de route express: 3 pièges, 3 réflexes
| Piège | Signaux d’alerte | Ce que je fais | Plan B sûr |
|---|---|---|---|
| Câble de dameuse | Pistes fermées, gyrophares, treuils, pentes raides | Demi-tour immédiat, sortie du domaine | Sentier hors station ou PPG |
| Lac gelé | Glace noire récente, arrivées d’eau, neige sur glace | Je n’y vais pas, je contourne | Itinéraire rive + rallonge temps |
| Feu “pour l’ambiance” | Vent, sol sec, pas de point d’eau, interdiction | Pas de feu, pas de braise, pas d’étincelle | Doudoune + thermos + abri léger |
Check-list hivernale rando/trail que j’utilise
- Itinéraire validé la veille (fermetures de stations, arrêtés, météo heure par heure).
- Plan de repli sans exposition (basse altitude, lisière, boucles forestières).
- Équipement: frontale chargée + batterie, veste imper, doudoune, gants de rechange, bonnet, micro-crampons si verglas, carte/offline GPS.
- Communication: proche prévenu + heure limite de retour; téléphone chargé, sifflet.
- Alimentation/hydratation: thermos chaud + snack salé.
- Comportement: demi-tour facile, pas d’ego, zéro feu hors zone autorisée, zéro glace.
📣 Message de coach
Ta meilleure perf hivernale, ce n’est pas ton D+. C’est ta capacité à identifier un piège en 3 secondes et à changer de plan sans état d’âme. C’est ce qui te permettra d’empiler des années de sorties joyeuses, en trail comme en rando. On s’y tient ensemble ?

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