Déconnexion en rando: faut-il faire comme le prix Nobel injoignable ? Mon plan pour couper… sans couper la sécurité

Lundi 6 octobre, au moment où la planète apprend les nouveaux lauréats du Nobel de médecine, Fred Ramsdell lui, marche. En plein backcountry de l’Idaho, injoignable. J’adore l’image. Elle dit tout de ce que la montagne nous rend quand on coupe le vacarme numérique. Mais je sais aussi – pour l’avoir vu en montagne comme en trail – qu’un réseau capricieux au mauvais moment peut transformer un petit pépin en drame.

Alors, on fait quoi sur nos sorties: on coupe tout ou on se branche à fond ? Je te partage ma méthode de “déconnexion maîtrisée” pour garder le meilleur de la nature… et la meilleure sécurité possible.

Ce que révèle “l’anecdote Ramsdell”

L’histoire est belle: un chercheur américain, cofondateur de Sonoma Biotherapeutics, part randonner, met son téléphone en mode silencieux (et visiblement loin des barres réseau), et rate l’appel du comité Nobel. Simple, sain, inspirant. On se revoit tous là-haut, loin des notifs, à respirer.

Mais le même automne, aux États-Unis, un randonneur de 49 ans appelle son père pour dire qu’il est perdu dans les gorges du Columbia. La connexion coupe. On le retrouvera au pied d’une falaise le lendemain. Deux histoires vraies. Deux faces d’une même pièce: la déconnexion qui libère, et la communication qui sauve.

La réalité du terrain en France: ce qui blesse vraiment

  • Les secours en montagne interviennent beaucoup plus qu’avant: +50 % en une décennie, et 266 décès en altitude recensés en 2024, un niveau inédit.
  • La cause majeure? L’imprudence: préparation bancale, sous-estimation des pentes raides, équipement inadapté. Les chutes en terrain escarpé dominent les accidents mortels.
  • La perte de réseau complique l’alerte, mais n’est pas identifiée comme cause directe principale. Traduction: le réseau ne remplace ni la préparation, ni le bon sens.

📌 À retenir
Même connecté, on peut se mettre en danger si on part mal préparé. Même déconnecté, on peut sortir proprement si on anticipe et si on a un moyen d’alerte adapté au milieu.

Pourquoi couper fait un bien fou (et mesurable)

Je le vis à chaque sortie longue: quand le téléphone se tait, l’esprit se pose.

  • Stress et anxiété en baisse: la nature agit comme un vrai reset mental.
  • Meilleure concentration et créativité: marcher sans ping redonne de la clarté.
  • Sommeil et récupération améliorés: moins d’écrans, plus d’hormone du sommeil.
  • Liens sociaux plus authentiques: on parle, on observe, on partage vraiment.

Ce n’est pas du “développement perso” creux: les études sur la déconnexion et les témoignages de pratiquants convergent. Trois jours sans téléphone suffisent souvent à casser l’habitude compulsive de consultation.

Quand couper (presque) totalement

Je coupe sans remords dans ces cas-là:

  • Itinéraire simple, balisé, fréquenté, proche d’une vallée couverte.
  • Sortie courte, en conditions stables, avec retour bien avant la nuit.
  • Randonnée en groupe, où l’on multiplie les ressources (cartes, téléphones, trousses).
  • Secteurs que je connais par cœur, avec échappatoires évidents.

Astuce
Je passe en “Mode avion + GPS actif + cartes hors ligne”. Je garde l’appareil au chaud, écran éteint. Zero notifications, navigation au besoin, batterie préservée.

Quand la techno doit rester allumée

Je ne joue pas au héros ici:

  • Terrain engagé (crêtes, dalles, pentes raides, hors sentier).
  • Isolement, météo incertaine, intersaisons (neige résiduelle, jours courts).
  • Sortie en solo, ou groupe hétérogène avec risque d’étirement.
  • Risques spécifiques: avalanche, orages, canicule, glace.

Dans ces cas, je bascule sur un “connecté utile”:

  • Partage d’itinéraire et de position à un proche.
  • Fenêtre horaire de check-in (à heure fixe).
  • Moyen d’alerte garanti même sans réseau cellulaire (balise satellite).

Mon protocole “déconnexion maîtrisée” (simple et béton)

  1. Avant de partir: je laisse une fiche sortie à un proche
  • Tracé prévu (et variantes), horaire de départ/retour, points d’échappatoires.
  • Participants, équipement clé, modèle de voiture et parking.
  • Règle d’alerte: “si pas de nouvelles à HH:MM + 60 min, appelle le 112”.
  1. Je télécharge les cartes hors ligne
  • IGN via Géoportail/IGNrando’ (ou OSM: OSMAnd/Organic Maps/Komoot).
  • Météo-France Montagne et bulletin avalanche le cas échéant.
  1. Je prépare le téléphone
  • Mode avion; j’autorise la localisation.
  • Économie d’énergie, luminosité basse, 5G désactivée (si besoin, LTE seulement).
  • Listes blanches: mes “favoris” peuvent me joindre; appels répétés autorisés.
  • Message d’écran verrouillé avec contact d’urgence.
  1. Je prévois l’alerte si zéro réseau
  • iPhone Emergency SOS par satellite (si modèle/zone couverts).
  • Ou mieux: balise satellite dédiée (Garmin inReach, ZOLEO, SPOT) ou PLB (Cospas-Sarsat).
  • Vérification abonnement et test mensuel.
  1. Je double la navigation
  • Carte papier + boussole dans un zip étanche.
  • Trace GPX dans deux apps différentes.
  1. Je gère la batterie intelligemment
  • Powerbank 10 000–20 000 mAh + câble fiable.
  • Téléphone au chaud près du corps (froid = batterie KO).
  • J’évite l’enregistrement en live et l’écran allumé inutilement.
  1. Rituel de check-in
  • Je reste déconnecté le reste du temps.
  • Je fais un point à heure fixe (ex: pause de midi, retour au parking).

📢 Conseils d’expert

  • 112 partout en Europe pour les secours. Sans aucune couverture cellulaire, l’appel ne passe pas: seule une solution satellite fonctionne.
  • En France, le 114 (SMS/appli) est destiné aux personnes sourdes/malentendantes; utile si parler est impossible.
  • Les secours préfèrent des coordonnées GPS claires (degrés décimaux). iPhone: boussole. Android: appuyer long sur la carte dans Google Maps. Ça marche même hors ligne.

Réglages pratiques: le “connecté utile” en 5 minutes

  • iOS: Réglages > Concentration > “Rando”: autoriser 2–3 contacts, bloquer le reste.
  • Android: Mode Ne pas déranger > exceptions pour favoris et appels répétés.
  • AllTrails Lifeline / Garmin LiveTrack / Strava Beacon: partage de progression à un proche.
  • Cartes hors ligne: télécharge 2 zones qui se chevauchent, en haute définition.
  • Débride le GPS si mode avion: autoriser “Services de localisation”.

💡 Astuce batterie

  • Préfère le mode avion + GPS à “réseau activé” qui cherche des antennes en boucle.
  • Éteins et rallume ponctuellement pour envoyer un message si besoin.
  • Emporte une micro-lampe frontale: chercher une route de nuit, écran à 5 % = faux ami.

Équipements qui changent tout

  • Balise satellite (inReach Mini 2, ZOLEO, SPOT): envoi de SOS, messages courts, suivi.
  • PLB (Personal Locator Beacon): sans abonnement, SOS via Cospas-Sarsat, très fiable; pas de messages, juste du secours.
  • Boussole plaquette + topo papier: low-tech imbattable.
  • Sifflet, couverture de survie, mini-kit hémorragie, bande cohésive.
  • Bâtons pour stabiliser et réduire les chutes en pentes raides.

📊 Trois modes d’usage du téléphone en rando

  • Mode avion intelligent:
    Objectif: silence, navigation GPS hors ligne, batterie max.
    Usage: sorties simples, météo stable, secteurs fréquentés.

  • Connecté utile:
    Objectif: sécurité active (check-in, météo, alerte).
    Usage: solo, isolement modéré, météo changeante, terrain technique.

  • Satellite prioritaire:
    Objectif: secours garantis hors réseau cellulaire.
    Usage: haute montagne, hors sentier, expé, arrière-pays.

Et si ça bascule: savoir donner l’info qui sauve

Si tu dois appeler les secours:

  • Dis QUI, QUOI, OÙ, QUAND, COMMENT, COMBIEN (blessés), RISQUES en cours (chute de pierres, météo).
  • Donne des coordonnées GPS simples + altitude.
  • Décris le terrain (falaise, couloir, forêt, rive gauche/droite).
  • Reste joignable: économise la batterie, surveille le ciel (hélico), sécurise le groupe.

🟩 Bon à savoir

  • On sous-estime massivement le risque de chute en pente raide. Anticipe les passages clés (carte/relief), ajuste l’itinéraire avant d’être engagé.
  • La majorité des drames commencent par “un petit détour” ou “on est presque sortis”. Savoir renoncer, c’est pro.

Ma règle perso pour rester libre… et serein

  • Je coupe sans état d’âme quand l’itinéraire est simple et les voyants au vert.
  • Je reste “connecté utile” dès qu’un facteur se complexifie (terrain/météo/isolement).
  • Je sors la solution satellite quand je m’éloigne vraiment.
  • Toujours: je prépare, je simplifie, je capitalise sur la low-tech.

Je le dis souvent à mes partenaires de trail comme aux potes de pickleball qui découvrent la rando: la technologie ne doit ni te distraire ni te trahir. Elle doit servir ton intention. Coupe pour écouter la montagne. Allume quand il faut rentrer entier. Voilà la liberté qui compte.

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